mercredi 13 janvier 2010

A la Madeleine (ou Proust à la colle)

C'est une honte finie, un délit majeur, que dis-je, une des actions les plus viles commises par l'homme des Amériques.

Nous sommes à "La Madeleine", établissement installé à Bethesda, la ville bordant Washington qui doit compter plus de Français que j'aurai de cheveux sur la tête dans dix ans.


La chaîne
compte une soixantaine d'unités, elle a été créée par un Français et se vante d'être une sorte d'ambassadeur de la boulangerie hexagonale. Les salades, tout à fait honnêtes, ne sont pas un morne avatar du plastique (c'est heureux mais les pâtes au pesto nagent dans une huile de marécage et les croissants sont un peu rugueux.

Ajoutez-y un faux feu à base de gaz et de bûches de ciment, ce qui se fait dans cette contrée quand on se veut chic et cosy et vous aurez un concept-restaurant qui plaît beaucoup aux salariés pour la pause de midi, aux personnes âgées pour papoter avec leurs copines, aux apprentis écrivains qui en ont marre de rester dans leur tanière.

J'étais donc dans une pièce à l'écart, entourée de bibliothèques et de livres, quand me prend l'envie -folle, je sais- de prendre un bouquin sur une étagère.


Au hasard, un tome des "Hommes de bonne volonté", au milieu d'une dizaine d'autres volumes de la série. Mais impossible de le sortir. En y regardant de plus près, il était collé à ses deux voisins.

Des livres siamois, voilà ce qu'ils ont fait, ces blasphémateurs. Alors, monsieur Patrick Léon Esquerré, vous avez beau être le créateur d'un nouveau chic français outre-Atlantique, ce n'est pas joli-joli ce que vous faites ou laissez acomplir en toute impunité.

Bien sûr, vous allez me dire que, pour rien au monde, vous n'auriez mis de faux livres en bibliothèque. On n'est pas chez Ikéa, certes oui. Mais pourquoi les coller les uns aux autres ? Pour éviter les vols ? Mais mon cher, plus personne ne lit le français de nos jours. Et puis les Américains sont autant plus respectueux du droit de propriété que vos anciens compatriotes.

Cependant, imaginez un peu que le Président Sarkozy s'aventure dans un de vos temples du bon goût et qu'il désire s'enquérir des aventures de "la Princesse de Clèves". Impossible. Rien à faire, elle est coincée entre Zadig et Jean Valjean.

Comme impossible n'est pas Français, moi, Yibus, j'ai décidé de rendre la liberté à ces ouvrages qui s'asphyxient. Selon la formule de je ne sais qui, un livre non lu est un livre mort. Vous ne voudriez pas avoir ces cadavres sur votre conscience, monsieur Esquerré ? Bien.

Vous ne prendrez donc pas ombrage si je décolle, patiemment, tous les livres que je pourrai trouver dans les trois bibliothèques que vous avez agréablement mis à disposition de vos client.


J'ai commencé par me faire la main sur "Salut au Kentucky", un charmant petit opus de Kleber Haedens, un des Hussards tombés dans l'oubli. Sachez qu'en venant dans, disons six mois, vous promener dans cet endroit devenu des plus agréables depuis quelques heures, nous pourrons parcourir ensemble -en savourant, bien entendu, votre cuisine- de bien belles pages. Si vous ne les connaissez pas, vous verrez, c'est agréable de lire.


Et la liste des "livres destructeurs"
- "Farenheit 451"
- "Le bûcher des vanités"

(Maintenant à vous de jouer)

12 commentaires:

Nath a dit…

c'est beau la quete d'un homme de bonne volonte...

Phoebe a dit…

Tu es un révolutionnaire de l'ombre, j'adore ! Libérons les livres !

Anonyme a dit…

(rire) j'ai adoré ton article ! je me rends compte que tu m'as manqué... j'ai rien à ajouter à la liste, à part peut être le manuscrit que j'ai réalisé voilà une quinzaine d'années et qui est parti en flammes peu de temps après...?

Montana a dit…

Bouquins destructeurs ?
Voyons vouéérrr ... même si mon comm n'apportera pas aucune opinion car il faut savoir lire ce qui n'est pas prétendu "lisable", ça vaut parfois le coup d'en connaître le contenu pour argumenter au cas où :

Mein kampf
Le capital
Le petit livre rouge de Mao Ze Dong
Le coran, notamment les hadiths (j'assume)
... et dans un autre registre :
Le petit Poucet
Comment j'ai fait fortune (Picsou)

Homéo a dit…

Y'en a une Madeleine à côté de chez moi , je vais aller voir si le slivres sont coincés aussi !
Si oui je fais comme toi ;)

ariana lamento a dit…

bon, je viens de verifier, pas de madeleine pres de chez moi (a part Atlanta). Coller des livres, m'enfin, pourquoi pas ne pas les lire?

Yibus a dit…

@ Nath : les combats les plus purs sont toujours les plus beaux (et pas forcément perdus d'avance).

@ Phoebe : c'est un petit pas pour l'homme mais un grand décollage pour l'humanité !

@ Plume vive : c'est gentil. Et tu n'en as pas gardé de version numérique ? Il parlait de quoi ton bouquin ?

@ Montana : liste pour le moins éclectique (voire électrique)... Vrai, il y a eu ce bouquin de Picsou ?? Si oui, je suis preneur.

@ Homéo : tiens-moi au courant qu'on crée le FLDLDLM Front de libération des livres de la Madeleine).

@ Ariana : tout à fait d'accord avec toi, c'est à la limite du blasphème, ce collage.

Anonyme a dit…

non, pas de copie numérique, c'était il y a pas mal d'années maintenant, je commençais tout juste à maîtriser la dactylo... j'avais 13/14 ans et j'ai écrit sur les mémoires d'un briquet...

Anonyme a dit…

bon, d'accord, du coup, ça fait une vingtaine d'années... mais que veux tu, le temps n'a pas de prise sur moi :-p

Yibus a dit…

@ plume vive : où le briquet se rappelle de tous ceux qui l'ont allumé et (celles qui ont allumé tous ceux qui...) ??

Anonyme a dit…

Noble quête à laquelle j'adhère... Je m'empresse de partir en chasse pour voir s'il y a des cafés Madeleine ou autres emprisonneurs de livres à Nairobi...

Anonyme a dit…

c'est tout à fait ça, tu l'as lu avant que je le brûle ?